mardi 5 juin 2012

un peu dans la lune


Ou "Comment devenir incollable au Trivial Poursuite spécial Lanzarote..."

Lanzarote. mai 2012.
N29°02' W13°37'

C'est au petit matin qu'avec Tara Tari nous sommes arrivés sur l'île de Lanzarote, dans l'archipel des Canaries. Je n'avais jamais été ici et en approchant de l'île, le spectacle a été assez fabuleux. Il faut dire que revoir la terre après ces onze jours assez durs en mer avait quelque chose d'assez agréable, mais là, la vue des des volcans et des déserts ont donné un petit côté magique à la chose. Lanzarote est une réserve de la Biosphère. Un trésor de la Nature, un petit bout de la Terre à son état originel, une île volcanique encore respectée par l'Homme.

La fatigue, l'ivresse de la mer; c'est peut-être parce que je flottais un peu en atterrissant que ma première impression, en arrivant ici, était d'arriver sur la lune. Alors j'ai souhaité en savoir un peu plus sur cette île au trésor, enfin, sur ce trésor d'île.


L'île est située à l'Est de l'Archipel des Canaries, qui regroupe sept îles qui ne se ressemblent paraît-il pas vraiment. L'archipel des Canaries appartient à l'Espagne, et avec TaraTari nous nous trouvons actuellement à 1000 km de la péninsule espagnole et à seulement 140km de l'Afrique. En face, à l'Est, c'est le vrai grand désert du Sahara et cela me fascine aussi. Lanzarote est dite "île en noir et blanc", parce que la lave noire contraste avec les déserts de sables fins, ou peut-être parce que par endroit, une sorte de lichen a recouvert les blocs de lave. Le lichen ne pousse pas que sur le bois mort de nos forêts, il existe un lichen crustacé qui colonise les rochers en bordure de mer; et je constate qu'il se développe aussi sur la lave séchée.


Bien que les volcans soient la particularité de l'île, Lanzarote n'est pas le nom d'un volcan mais viendrait de celui du marin italien Lanzarotus Marocelus, venu sur l'île au XIVè siècle.
Ici, les volcans ont été en super activité au XVIII è siècle et la lave a recouvert une immense partie de la superficie de l'île, grande de 845, 94 m2. Depuis, c'est plutôt tranquilou, mais il y a encore des endroits, notamment dans le parc national de Timanfaya, où des barbecues naturels rappellent qu'il fait bien chaud au coeur de notre planète - enfin, si j'en crois la semelle d'une de mes chaussures qui a failli fondre. Le XVIIIè siècle, d'un point de vue géologique, c'est assez récent, et devant cette mer de lave qui se perd dans l'océan, je me prends à imaginer tous ces volcans rugir. L'année dernière, El Hierro, une autre île de l'archipel n'a rien eu à imaginer puisque une éruption a tout enseveli. Autre témoignage de la nature qui rappelle à quel point nous, les hommes, nous sommes si petits devant Elle. Je suis restée quelques heures assise devant cette autre mer. Quelle grandeur.


Cette univers volcanique semble avoir laissé peu de place à la vie. Et pourtant la vie s'est -comme bien souvent- adaptée. Des hommes les "mahoreros", vivaient là il y a deux millénaires. On dit qu'ils faisaient partie du peuple Guanches... Depuis deux millénaires sur une île?! C'est impressionnant, et je me suis donc demandé "Comment sont-ils arrivés ici, ces gens-là?"

Un peu d'Histoire, ça vous dit?
> si ça vous dit, je vous en suis bien reconnaissante et vous souhaite une agréable lecture,
>si ça ne vous dit pas, si vous avez mieux à faire, alors allez directement à la petite étoile *
 Selon l'historien espagnol du XVIII ème siècle Juan Núñez de la Peña, les Guanches - de "guan", hommes et "chinet", de Tenerife - ce peuple serait donc originaire de l'île de Tenerife mais étendu aux premiers hommes de toute l'archipel. Ce qui est certain, c'est que ces hommes, les "mahoreros" guanches, étaient des Amazighes, branche du peuple Berbère (et même Paléoberbère, si vous voulez tout savoir). Le nom originel de Lanzarote, Tyterogaka, signifie « La Brûlée » en langage Touareg.
Les historiens rapportent qu'à l'époque de l'ancienne Egypte, les Berbères, après avoir peuplé une grande partie de l'Afrique de l'Ouest, traversèrent cette partie de l'océan et arrivèrent dans l'archipel. Lanzarote étant (si on ne compte pas le Roque del Este qui n'est pas peuplé) l'île la plus proche de l'Afrique. Cette arrivée sur l'île daterait de plusieurs siècles avant notre ère...! Aujourd'hui, il est difficile de savoir "comment" ils ont navigué jusqu'ici, mais la question m’intéresse et je me renseigne auprès d'historiens. L'origine de leur arrivée n'est pas encore bien connue et laisse donc imaginer d'autres possibilités: le peuplement de l'île pourrait remonter à l'époque de Cro Magnon et pas besoin d'être historien pour comprendre que cela ne daterait donc pas d'hier.

Les Phéniciens vinrent ici chercher de la teinture rouge présente sur les roches situées au nord de l'île. Mais le premier vrai "voyage" connu vers l'île est le celui du navigateur explorateur Carthagénois Hannon entre -630 et -425 avant notre ère. Hannon cherchait de nouvelles routes commerciales et est 'tombé' sur une île déserte mais qui avait cependant des ruines. De son passage sur l'île, on a retrouvé des morceaux de poterie et des petits trucs du genre. Le second voyage connu est celui réalisé pour le roi Berbère de Mauritanie Juba II, qui voulait lui effectuer un recensement de la faune et de la flore... c'était au 1er siècle de notre ère. Des fouilles archéologiques sont en cours sur l'île, pour essayer de vérifier par des traces de l'Histoire, si les "mahoreros" guanches étaient ou non, les premiers habitants des îles Canaries. Les mahoreros habitaient dans des grottes et des huttes de pierres recouvertes de peaux de bêtes, et vivaient d'élevage, de cueillette de fruits et de coquillages. Ils ne savaient pas naviguer mais arrivaient à se nourrir de pêche et de viande de chèvres. L'agriculture était très limitée car l'île n'était pas le paradis de la culture, mais les historiens rapportent que leur vie -d'après les gravures peintes dans les grottes- était plutôt paisible.

pour ceux qui veulent apprendre l'alphabet Guanches de Lanzarote

Tout cela me fait penser à quelque chose: Avez-vous lu le livre "The Evolution Man" du romancier Roy Lewis ("Pourquoi j'ai mangé mon père" en version Française)? C'est un des livres de ma bibliothèque à bord de TaraTari. Livre à lire. Et à relire pour encore mieux réfléchir.


Quand Lanzarotus Marocelus est venu (au XIVès si vous avez suivi), il y a eu ensuite un va et vient pas possible. On venait chercher esclaves, teintures et peaux... bref 50 ans de razzias qui déclenchèrent le déclin des populations aborigènes - je ne vous félicite pas Monsieur Lanzarotus.

Petite anecdote à noter dans l'Histoire, au milieu de toutes ces guerres il y a eu une histoire d'amour (mon côté fleur bleue): un commandant corsaire de la flotte castillane à fait naufrage sur l'île de Lanzarote après une tempête (quand je vous dis que ça souffle par ici...), c'était en 1337. Le naufragé est reçu par le roi de l'île qui l'invite chez lui et qui l'invite aussi dans le lit de sa femme (non mais oh!?). Du coup on sait comment ça se passe ces choses là: le corsaire et la Reine Fayna ont eu une petite Princesse, Ico, toute blanche et toute blonde, qui a été la mère de Guardafia, dernier roi de Lanzarote.

La fin du peuple aborigène, nous la devons aux mercenaires d'Henri III de Castille, en 1402. Jean de Bethencourt et Gadfier de La Salle voulaient conquérir les îles et comme il ne restait que 300 aborigènes, le massacre a été rapide. Les Espagnols sont devenus les Seigneurs de l'île et ont fait amener des Berbères pour repeupler l'île. Mais Lanzarote étant proche de l'Afrique il n'a pas fallu attendre longtemps pour que les pirates, Berbères et même Européens, tentent de récupérer l'île. Je vous passe les détails, mais tout cela dura pendant des siècles et la population dut retourner vivre dans les grottes (back to the basics, donc) pour se protéger des attaques.

Le 1er septembre 1730, la Nature un peu contrariée par toutes ces petites histoires d'hommes, a décidé de venir mettre un peu d'ordre dans tout cela: ce soir-là, la terre s'ouvrit à Timanfaya et d'immenses coulées de lave vinrent recouvrir l'orgueil humain. Une montagne apparut et redessina l'île. Pendant 6 ans, la lave coula, recouvrit un quart de l'île et la Nature saupoudra le reste de cendres volcaniques. C'est le chaos. Et la famine calma les restes d'ardeurs humaines. En 1842, les éruptions se remirent à surgir à Timanfaya et les hommes restés à Lanzarote finirent par émigrer. Nettoyage fait. Les volcans se calmèrent alors. De nouveaux hommes arrivèrent et décidèrent de protéger et de respecter l'île. Tout a été beaucoup plus zen après, et aujourd'hui la population totale de l'île compte un peu moins de 142 000 habitants. Et quasi tous vivent le plus possible en harmonie avec l'île, ambiance " Surf, Peace & Love", pour la plupart.

petite maison à El Golfo


Lanzarote a du caractère.
Celui de la Terre.
Et aussi celui de la Mer.

La lave tombe dans la mer. Rencontre entre la Terre et l'Eau, sous le Feu du Soleil et sur le Feu de la Terre, dans l'Air de l'océan. L'origine de la vie.






 Nous sommes d'accord. C'est grandiose.

A cette latitude, l'île de Lanzarote a un climat subdésertique qui se caractérise par une pluviométrie inférieure à 200 millimètres annuels. :) Le truc qui fait qu'il pleut moins ici qu'ailleurs dans l'archipel, c'est aussi que l'altitude maximale est assez basse, donc les nuages qui passent - parce qu'il y qu'en même des nuages- n'arrivent pas à s'accrocher aux sommets des volcans. L'île culmine en effet à 670 mètres, altitude du sommet de la montagne Peñas del Chache.

Sommet de la montagne Peñas del Chache et vue sur l'île de Graciosa
Cette île me fascine.
Je ne savais pas où j'arrivais et je n'ai pas non plus de guide touristique, mais je suis allée à la rencontre d'îliens, j'ai parlé avec des historiens, des archéologues et même un anthropologue, afin de comprendre un peu l'Histoire de ce bout de terre de l'Atlantique. La rencontre, le partage, apprendre les erreurs du passé pour essayer de ne pas les reproduire... Connaître l'Histoire du lieu permet de pouvoir mieux le respecter. Alors, assise, là-haut près du sommet, je suis restée en silence un bon moment malgré le vent fort et je n'ai fait qu'écouter, regarder et respecter. Un peu ici, un peu ailleurs, un peu sur Terre, un peu dans la lune, je rêve et je pense.


Merci Lanzarote, pour ton accueil et ces belles leçons de respect et de bien-être.
Capucine


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