dimanche 12 février 2012

Puisque l'on ne peut planter la mer...

Alicante. 27 janvier 2012.

Il aura fallu environ une nuit et quatorze milles virements de bords pour passer de la baie de Campello à l'entrée du port d'Alicante. Quelques cargos, du près et du froid... l'arrivée à Alicante a semblé interminable.


5 jours et 6 nuits en mer. Après la tranquillité, la vue des immeubles est presque agressive. Quel décalage. On se déshabitue tellement vite à la vie trop rapide de la ville. Aucune arrivée de port ne se ressemble, et celle-ci est pleine de surprises. D'abord il y a ce truc, que je voyais de loin qui n'est pas un ferry; je pense que je me suis demandée au moins vingt fois "mais qu'est ce que c'est que ce truc?!" en regardant dans les jumelles ce gros machin lumineux, avant de comprendre qu'il s'agissait d'un château, juste au dessus d'Alicante. Il y a aussi eu ce cargo qui, visiblement n'arrivait pas à se 'garer' dans l'aire de mouillage et qui a tourné en rond, marche avant, marche arrière, pendant de longues heures sans que j'arrive à comprendre le but de sa manoeuvre. Rien de grave, me direz-vous, tant qu'il ne termine pas échoué sur une plage bretonne. Enfin voilà, une nuit de virements de bords plus tard, TaraTari entre enfin dans le port et toujours la voile. Il fait un froid glacial. Sur le quai qu'il faut longer pour atteindre la marina, il y a un enregistrement de cris de goélands qui résonne, un TP52 et surtout un VOR70, à quelques mètres seulement de là où je peux amarrer Tara Tari.


Il est 7h, il fait nuit et je m'endors, gelée dans le bateau. Et en me réveillant quelques heures plus tard, il me faut quelques minutes pour comprendre où je suis.

- sauf que les VOR70 ont remplacé les caravelas -
Un vrai château de dessin animé qui - pour résumer - a été construit par des gens il y a très très longtemps, puis pris par des méchants, repris ensuite par les gentils, repris peu après par d'autres méchants, avant de se faire en partie démolir par d'autres gentils pour faire partir les méchants qui sont finalement partis et qui ont donc permis aux premiers gentils de récupérer le château un peu démoli. A la fin de l'histoire, le château porte le nom un peu ringard de Santa Barbara, est éclairé par des lumières vertes et jaunes la nuit, et se retrouve dessiné sur les plaques d'égouts de la ville. - pour résumer.


En même temps, je comprends tous ces crêpages de chignons pour récupérer le château. La vue est sympa de là-haut.

Enfin, comme souvent, tout dépend du point de vue que l'on choisit.
Car de là-haut, la vue, ça peut aussi être ça :


Aussi, là haut, après avoir dit "oh, cette vue, que c'est joli" on peut s'amuser à faire la présentatrice météo pour tenter de montrer où se trouve TaraTari dans le port.


Et voilà, pour résumer la visite du truc à visiter quand on est à Alicante.
ok, je reconnais, je ne suis pas très inspirée.

L'inspiration est ailleurs.
Dans un citron.
Ou plutôt dans un citronnier.

je ne suis pas une bonne touriste. je n'ai jamais vraiment aimer la foule et puis je ne peux pas passer des heures à piétiner dans ces endroits vus et revus. A la visite d'Alicante, je préfère l'escapade dans les montagnes qui entourent cette ville qui fourmille. 

Yannick, un ami venu me voir pendant ses vacances, à trouver un petit moyen de locomotion et nous sommes donc partis en exploration des montagnes qui se trouvent un peu plus loin de la ville. La brume, le froid et les odeurs des montagnes me transportent loin de la mer, le temps d'une journée. C'est la première fois que je passe autant d'heures loin de Tara Tari et cela me fait un peu bizarre. Yannick pense que m'éloigner un peu du port et des passants qui m'interrogent sans cesse me fera du bien.

Quelque part au milieu de ces montagnes, au milieu de ce nul part qui sent bon les arbres et la sève, je m'émerveille devant l'organisation des cultures des différents versants. Une organisation par paliers qui semble inspirée de l'intelligente méthode des Incas du Machu Picchu. Ici, ce n'est pas le Pérou, puisque nous sommes à quelques kilomètres d'Alicante, mais c'est assez impressionnant. Quelques rares âmes qui vivent rassemblées dans de rares villages d'altitude et un nombre infini d'arbres fruitiers. Orangers, clémentiniers, cerisiers et aussi citronniers vivent en bons voisins. Quel endroit. Une planète à part. Celle des agrumes. Paradis de fruits et de vitamines dans ces cailloux et dans ces roches peu accueillantes. Ici, même les moutons se nourrissent d'oranges et de clémentines.



Je passerais des heures, béate au milieu de ces arbres fruitiers qui me fascinent autant qu'un passionné d'art s'extasie devant un tableau de Van Gogh. Question d'impressions, d'impressionnisme. Et de vitamines aussi. Tous ces petits fruits oranges et jaunes colorent la vie dans ces roches fades et tristes.

Et au milieu de beaucoup d'autres citronnier, il y a eu ce citronnier.
Aussi incomprise que le passionné qui, dans le musée, s'émerveille devant une toile que personne d'autre que lui ne semble remarquer, je reste en silence devant ce citronnier. Il n'avait rien de plus que les autres, ce citronnier. Rien de moins non plus. C'était un citronnier parmi tant d'autres et pourtant il avait quelque chose de particulier. Yannick est allé voir d'autres arbres et je ne le vois plus. Seule à côté de ce citronnier, je m'émerveille en secret. les yeux levés vers l'arbre fruitier.


Des citrons aussi beaux que des étoiles.
Qui peut comprendre, la beauté des arbres.
Les arbres, de vrais artistes. 

C'est une chose qui manque à la mer, ça, les arbres fruitiers.
La mer et les arbres fruitiers partagent pourtant la même simplicité, la même vie plus ou moins rude selon les saisons. Les inventeurs devaient être de bons copains. L'un a fait la mer qui offre des poissons et l'autre a fait un arbre qui offre des citrons. C'est assez compatible, finalement, d'aimer la mer et les arbres fruitiers, d'aimer le poisson et le citron.

Il est difficile de planter la mer pour obtenir des poissons, mais il est relativement facile de planter un arbre pour avoir un citron. Et même plusieurs citrons. C'est une bonne chose de planter un arbre. On ne le fait pas assez souvent dans la vie et pourtant, ce n'est pas très compliqué.


Les citronniers aiment le soleil et craignent le vent. L'arbre, robuste, peut vivre 80 ans en donnant de bons fruits toute l'année, sur un sol bien drainé. Et de jolies petites fleurs aussi. Même s'il fait moins 5°C, le citronnier travaille. S'il pleut trop, le risque, c'est d'obtenir une limonade. Pas très grave.

Quand je serai grande, - parce qu'une petite fille m'a posé la question à Barcelone - je ne sais toujours pas ce que je ferai ni où je serai, mais j'espère pouvoir planter des arbres fruitiers dans une terre encore un peu épargnée. Entendre l'arbre pousser, et trouver ça joli. L'idée me plaît. Et puis, ma chère maman trouvera ce projet certainement plus calme et reposant à suivre.

La nuit va tomber. Quelques mots au citronnier après ce partage jaune et vert.
Il est temps de retourner à bord de Tara Tari et de changer la drisse du foc, qui semble un peu fatiguée. Qu'il soit voilier ou arbre fruitier, l'important est de bien en prendre soin.
Capucine

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